Les Alliés connaissaient la réalité de la Shoah deux ans avant la découverte des camps d’extermination, révèlent des documents restés secrets.
Les archives montrent qu’Adolf Hitler était inculpé de crimes de guerre en 1944.
image: https://static.independent.co.uk/s3fs-public/styles/article_small/public/thumbnails/image/2017/04/17/14/research3.jpg
Les puissances alliées étaient au courant de l’ampleur de la Shoah qui frappait les Juifs deux ans et demi plus tôt qu’on ne le suppose en général, et ils avaient préparé des inculpations pour crimes de guerre (la notion juridique de « crime contre l’humanité » n’existant alors pas encore) contre Adolf Hitler et ses principaux commandants nazis.
De nouveaux matériaux accessibles des Nations-Unies – qui n’ont jamais été rendues publics au cours de ces environ 70 dernières années – prouvent qu’on peut remonter aussi loin qu’en décembre 1942 pour s’apercevoir que les gouvernements américains, britanniques et soviétiques étaient parfaitement au courant qu’au moins deux millions de Juifs (à cette époque précoce dans la guerre) avaient déjà été exterminés par les Nazis et que cinq autres millions au moins étaient en danger d’être tués et ces gouvernements ont alors préparé les actes d’accusation. En dépit de cela, les puissances alliées ont fait très peu pour tenter de secourir ou d’offrir un sanctuaire à ce peuple en situation de danger mortel.
En effet, en mars 1943, Viscount Cranborne Ministre du Cabinet de Guerre de Winston Churchill, déclarait que les Juifs devraient être considérés comme relevant d’un dossier spécial et que l’Empire Britannique avait déjà bien trop de réfugiés sur les bras pour offrir le moindre abri sûr à qui que ce soit d’autre.
image: https://static.independent.co.uk/s3fs-public/styles/story_medium/public/thumbnails/image/2017/04/17/14/resarch2.jpg
« Les puissances principales ont commenté le meurtre de masse des Juifs au moins deux ans et demi avant qu’on ne l’admet généralement », a déclaré Dan Plesch, auteur du livre récemment publié Human Rights After Hitler,[Les droits de l’homme après Hitler], au journal britannique The Independent.
« On a voulu faire comme si elles n’avaient appris cela que quand les Américains et les Russes ont découvert les camps de concentration, mais elles ont en fait commenté publiquement ces sujets dès décembre 1942 ».
M. Plesch, Professeur au Centre d’Etudes et de Diplomatie Internationale de l’Université SOAS de Londres, déclare que les principales puissances ont commencé à rédiger des inculpations pour crimes de guerre fondés sur le témoignage de témoins véhiculés clandestinement depuis les camps d’extermination et par les mouvements de résistance de divers pays occupés par les Nazis. Parmi ses découvertes, on trouve des documents inculpant Hitler pour crimes de guerre et datant de 1944- un an avant l’ouverture des camps- .
A la fin décembre 1942, après que les USA, le Royaume-Uni et d’autres pays aient diffusé une déclaration publique concernant le massacre des Juifs, le Secrétaire des Affaires étrangères de Grande-Bretagne, Anthony Eden, a déclaré au Parlement britannique : « Les autorités allemandes, non contentes de dénier aux personnes de race juive dans tous les territoires où s’appliquent leurs lois barbares, les droits de l’homme les plus élémentaires, sont en ce moment même en train de faire entrer en vigueur les intentions fréquemment répétées d’Hitler d’exterminer le peuple juif ».
M. Plesch a déclaré que malgré le recueil de preuves et les poursuites contre des centaines de Nazis – un procès judiciaire qui a été éclipsé par le procès des cercles dirigeants nazis à Nuremberg – les puissances alliées ont fait très peu pour tenter d’aider ou de sauver ceux qui étaient en danger de mort imminente. Il affirme que les efforts de l’envoyé du Président Franklin D. Roosevelt devant la Commission sur les Crimes de Guerre des Nations-Unies (UNWCC), Herbert Pell, ont été repoussés par les antisémites du Département d’Etat américain.
M. Pell allait plus tard affirmé que des individus au sein du Département d’Etat se préoccupaient du fait que les relations économiques de l’Amérique avec l’Allemagne puissent se dégrader après la guerre si on osait mener à bien de telles poursuites. Après que M. Pell ait rendu public ce scandale absolu, le Département d’Etat s’est alors conformé à l’émission des poursuites contre les dirigeants nazis à Nuremberg, un processus qui s’est accéléré à la suite de l’ouverture des camps rendue publique à l’été 1945.
« Parmi les raisons données par les décideurs politiques américains et britanniques réduire l’étendue des poursuites contre les Nazis, on trouve le fait de comprendre qu’au moins certains d’entre eux seraient nécessaires pour reconstruire l’Allemagne et affronter le communisme, qu’on percevait à l’époque comme un danger encore plus grand », écrit M. Plesch.
Join us for the #booklaunch of Dr Dan Plesch’s ‘Human Rights After Hitler’ (4 May): http://bit.ly/2oJ6ZCk @GUPress #humanrights
M. Plesch explique que les archives sur lesquelles ses recherches sont basées pont été interdites aux chercheurs durant 70 ans. Ceux qui voulaient consulter les archives de l’UNWCC devaient en demander l’autorisation, non seulement à la personne émanant du propre gouvernement de son pays, mais au Secrétaire-Général de l’ONU. Même dans ce cas, les chercheurs n’avaient pas l’autorisation prendre des notes.
L’ancienne Ambassadrice américaine aux NU, Samantha Powers a lancé les actions nécessaires pour rendre ces archives disponibles.
M. Plesch déclare que le nouveau matériel fournit « les clous suffisants à enfoncer dans le cercueil » de toute forme de négation de la Shoah – bien qu’aucune preuve supplémentaire ne soit nécessaire pour fustiger tous ceux qui les soutiennent.
Yad Vashem, le Mémorial du Souvenir de la Shoah en Israël, déclare sur son site Internet que « l’information concernant les meurtres de masse des Juifs a commencé à atteindre le monde libre peu de temps après que ces exactions n’aient commencé en Union Soviétique, à la fin juin 1941, et que le volume de rapports de ce genre n’a fait qu’augmenter avec le temps ».
Il fait référence à la déclaration de Décembre 1942 de condamnation de l’extermination du peuple juif.
« Nonobstant cela, il demeure difficile de savoir jusqu’à quel point les Alliés et les dirigeants des pays neutres comprenaient l’importance cruciale des informations dont ils disposaient », ajoute Yad Vashem. « Le choc total ressenti par les officiers supérieurs alliés qui ont « libéré » ou fait ouvrir les camps dont les gardiens avaient disparu, à la fin de la guerre, peut indiquer que leur compréhension de ce qui se passait était encore bien loin de la réalité ».
Les archives de l’UNWCC sont présentées cette semaine à la Bibliothèque Wiener de Londres, la plus ancienne collection britannique d’archives sur la Shoah et l’ère azie, où elles seront disponibles d’accès en ligne pour les universitaires.
Ben Barkow, le directeur de la Bibliothèque, a déclaré que les découvertes de M. Plesch pourraient ne pas modifier la compréhension générale qu’on a de la Shoah, mais qu’elles sont intéressantes et d’une grande signification pour les chercheurs.
Il dit que M. Plesch a continué obstinément à rechercher ces archives difficiles d’accès que la plupart des universitaires pensaient qu’elles ne contiendraient rien de nouveau. « Les gens ne reconnaissaient pas la valeur que cela pouvait prendre », dit-il.
Il atteste que le matériel découvert par M.Plesch est particulièrement intéressant parce qu’il démontre qu’il y a 70 ans, la communauté internationale envisageait la question des crimes sexuels comme faisant partie du narratif plus large des crimes de guerre. Il ajoute : « Cela démontre qu’il ne s’agissait pas de quelque chose auquel on n’a pensé qu’après les événements, comme au Rwanda ».
Adaptation : Marc Brzustowski