L’intelligence stratégique de Donald Trump – Article par Guy Millière
L’élément tragique de l’homme moderne, ce n’est pas qu’il ignore le sens de la vie, c’est que cela le dérange de moins en moins (Vaclav Havel)
Par Guy Millière © Metula News Agency
Je pense avoir été quasiment le seul, lorsque Donald Trump s’est présenté á l’élection présidentielle américaine, à avoir dit qu’il avait une stratégie et qu’il entendait aller très loin, si possible jusqu’au bout. La plupart des commentateurs à l’époque le traitaient de clown. J’ai été l’un des seuls, parmi les commentateurs conservateurs, à avoir continué à afficher mon soutien pour sa candidature au cours des mois qui ont mené à la victoire du 8 novembre. J’ai consacré un livre à ce sujet : Après Obama, Trump ? J’ai eu un instant de doute avant l’élection : je pensais que les instituts de sondage tenaient à leur réputation et ne s’autoriseraient pas à afficher des résultats faux, je me suis trompé sur leur compétence.
J’ai, depuis l’élection, tenté régulièrement d’expliquer ce que seraient les grandes orientations de la politique de Donald Trump. Aux fins d’être précis et détaillé; J’insiste dans le livre sur la nécessité pour tous ceux qui sous-estiment Donald Trump et qui usent à son égard d’une arrogante et inepte condescendance à lire ses écrits et en particulier son livre The Art of the Deal. Et j’insiste sur l’un des points clé de cet ouvrage : ce qu’il décrit comme la façon de mettre en place des rapports de force aux fins de créer une situation gagnante. J’y explique aussi que Donald Trump n’est pas un isolationniste contrairement à ce que d’aucuns ont hâtivement écrit.
La frappe décidée par Donald Trump en Syrie (magistralement expliquée pour la Metula News Agency par Stéphane Juffa la semaine dernière) montre que Donald Trump n’est pas un isolationniste, mais un stratège d’exception. Elle montre aussi une mise en œuvre des principes exposés dans The Art of the Deal. Donald Trump a été confronté à un acte de guerre du régime Assad. Il l’a analysé. Il a réagi non pas de manière impulsive, mais posément et de façon décisive.
Par un tir de cinquante-neuf missiles de croisière, il a montré au régime Assad qu’il fixait des limites strictes à la capacité d’action de celui-ci, et a informé le dictateur syrien qu’il pouvait être écarté du pouvoir et que la décision, le cas échéant, serait prise à Washington. Il a signifié aussi à Vladimir Poutine que la Russie n’était pas capable de tenir fermement le régime Assad et n’avait pas respecté sa parole pour ce qui concerne l’élimination des armes chimiques en Syrie. Et il a dit à Vladimir Poutine que toute décision sur le futur de la Syrie impliquait l’assentiment de Washington : il n’a pas fermé la porte à des négociations avec Poutine ; il a simplement posé les conditions d’une négociation, en rappelant qu’il y avait une superpuissance, une seule, et que les années de faiblesse qu’ont été les années Obama étaient terminées.
Il a, dans le même mouvement, signifié à l’Iran et aux mollahs de Téhéran, qui sont les véritables maitres du régime Assad et qui prétendent faire de l’Iran la puissance hégémonique régionale, que les Etats-Unis entendaient fixer des limites à cette prétention ; et que les USA ne resteraient pas sans réagir si l’Iran dépassait lesdites limites. Cela vaut à l’évidence pour les actions iraniennes en Syrie, mais aussi pour celles du Hezbollah au Liban, et pour toute autre velléité d’action du régime iranien (les discours des dirigeants iraniens ces derniers jours montrent que le message de Trump a été reçu et suscite bien des grincements de dents à Téhéran).
Trump a, dans le même mouvement encore, signalé aux alliés kurdes qu’ils seraient, si nécessaire, protégés et à la Turquie, qu’elle était elle-même sous surveillance.
Il n’a aucunement favorisé, faut-il le dire, les groupes islamistes sunnites présents en Syrie, puisqu’au contraire, il a renforcé la présence de forces spéciales américaines à proximité de Mossoul et de Raqqa ces derniers jours. L’Armée américaine construit une base à Tabqah, à une quarante de kilomètres au sud-ouest de Raqqa ; il y a dix mille soldats américains sur le terrain.
Le nouveau président américain a agi dans le contexte de l’élaboration d’une alliance destinée à endiguer l’Iran, composée des régimes sunnites (Arabie Saoudite, Egypte, Jordanie, émirats), et d’Israël.
Trump a aussi adressé un message à la Chine, et le fait que le président chinois ait été invité à un diner chez Trump au moment où le tir sur la Syrie allait être réalisé n’a sans aucun doute rien dû au hasard. Trump aurait pu attendre. Il a choisi de ne pas attendre.
Des journalistes dignes de foi ont rapporté que Trump a conseillé à Xi Jinping de regarder la télévision dans la soirée. Il aurait aussi dit à Xi Jinping de suggérer au dictateur nord-coréen, Kim Jong-Un, de regarder la télévision lui aussi. Trump a confirmé, depuis, dans un entretien diffusé sur Foxnews ce qu’ont rapporté les journalistes en question. Une très puissante flotte américaine vogue désormais à proximité de la Corée du Nord. Et la Chine semble avoir compris le message. Cent cinquante mille hommes de troupe sont déployés sur les frontières de la Corée du Nord. Il semblerait que Kim Jong-Un, tout en persistant à vociférer, se cache soigneusement.
Nous nous sommes bien compris, Xi, tout est clair ?
En larguant une bombe très puissante (GBU-43/B Massive Ordnance Air Blast) sur la base arrière de l’Etat Islamique en Afghanistan, le pensionnaire de la Maison Blanche a insisté sur le message affiché lors de la frappe en Syrie. Les semaines à venir vont permettre d’observer la suite des évènements.
Il ne fait aucun doute que ce sera passionnant, aucun doute que la doctrine Trump est en train de prendre forme et consistance.
Nombre d’observateurs semblent ne pas comprendre la doctrine du nouveau président. Ils ne font ainsi que montrer leur incapacité à comprendre quoi que ce soit, et leurs piètres capacités d’analyse.
J’ai appelé mon prochain livre La révolution Trump ne fait que commencer. Les explications sont dans le livre. Donald Trump a emprunté à Ronald Reagan son slogan de campagne, Make America Great Again (redonner à l’Amérique sa grandeur). Il pourrait emprunter à Ronald Reagan une autre de ses formules : America is back. L’Amérique est de retour.