
TRIBUNE. Une vieille légende yiddish raconte avec esprit qu’un jour les femmes, fatiguées des injustices dont elles étaient victimes et en quête d’émancipation, décidèrent d’envoyer l’une d’entre elles plaider leur cause auprès de l’Eternel. Elles choisirent la plus érudite et la plus éloquente de toutes les femmes, une dénommée Skotzel, et lui demandèrent d’être leur avocate auprès du Tout-Puissant.
Puis elles grimpèrent sur les épaules l’une de l’autre et placèrent Skotzel tout en haut de cette pyramide humaine pour tenter d’atteindre le ciel. Malheureusement, au bas de l’édifice, l’une d’entre elles trébucha et entraîna toutes les femmes dans sa chute.
Une fois relevées, elles découvrirent avec stupeur que Skotzel avait disparu. Depuis, on prétend que l’avocate des femmes est toujours en plein plaidoyer face à Dieu, qui tarde à l’entendre, mais qu’un jour elle reviendra pour annoncer des temps nouveaux. Alors, chaque fois qu’une femme entre inopinément dans une pièce, on l’accueille par ces mots : « Skotzel kumt ! », « Skotzel est arrivée ! » Qui sait, elle est peut-être enfin de retour avec de bonnes nouvelles !
Promesse d’émancipationDepuis quelques jours, cette vieille légende me revient en tête, et je me demande si nous n’avons pas perdu notre Skotzel, notre avocate à nous, érudite et éloquente, celle qui prit un jour la parole, non pas devant un tribunal céleste, mais devant une assemblée humaine.
« Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme », déclara-t-elle au Palais-Bourbon, avant d’ajouter : « Je m’excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d’hommes. »
C’était en novembre 1974. Pour moi qui suis née précisément ce mois-là, ces mots racontent quelque chose des conditions de ma naissance. Comme si une fée s’était penchée sur les berceaux des femmes de ma génération pour leur offrir une bénédiction, en forme…